Un jeu pour trouver sa voie

Les participant-es commencent la partie avec un début de CV, qui se voit compléter au gré des lancers de dé par de nouvelles expériences, formations ou stages. Présenté sous la forme d'un jeu de plateau, «Postulo» invite à incarner un personnage fictif qui doit construire son parcours professionnel en choisssant parmi 32 métiers distincts.

À la fin de la partie, le ou la vainqueur-e est invité-e à participer à un entretien d’embauche. Elle y incarne son personnage dans une phase «jeu de rôle», avec l’objectif de convaincre les autres joueurs ou joueuses de lui donner sa chance. «C’est un moment à la fois drôle et un peu gênant, mais très proche de ce que peuvent vivre les jeunes», explique Achille Donnet, éducateur au sein du Centre thérapeutique de jour pour adolescents (CTJA) et porteur du projet. Le jeu met en lumière les multiples chemins possibles après la scolarité obligatoire. Il dédramatise l’entretien d’embauche et aide les jeunes à prendre conscience de leurs compétences.»

Un projet né dans un atelier thérapeutique

L’initiative a pris forme au sein d’un atelier au Centre thérapeutique de jour pour adolescents (CTJA) à Lausanne, qui accueille des patient-es de 13 à 18 ans souffrant de troubles psychiques. Leur point commun: une rupture avec le parcours scolaire classique. «Nous les suivons en général pendant six à neuf mois avec l’objectif de les raccrocher à un projet, comme un retour à l’école ou le début d’un apprentissage.»

C’est dans le cadre d’un atelier dédié au monde professionnel qu’est née l’idée de créer un jeu de société. «J’utilise régulièrement des éléments ludiques comme outils pédagogiques et thérapeutiques. Le jeu permet le partage, le développement de compétences et crée un univers symbolique où l’on peut expérimenter sans crainte. Un jour, j’ai proposé aux participant-es de notre atelier d’imaginer ce que pourrait être un jeu sur l’insertion professionnelle. Sans ambition d’édition, simplement comme support créatif pour animer la discussion.»

Les jeunes se sont rapidement pris au jeu. «Nous avons imaginé les règles, le déroulement d’une partie, le plateau. Une fois le premier prototype mis au point, nous nous sommes rendu compte que ça fonctionnait bien et qu’il y avait quelque chose à en faire. On s’est dit ‘et si on allait plus loin?’» De fil en aiguille, le projet s’étoffe, jusqu’à l’édition du jeu par les Éditions Loisirs et Pédagogie (L&P) en novembre dernier. 

Un travail d’équipe sur plusieurs années

«Postulo» a impliqué environ 70 jeunes sur quatre ans, de manière directe ou indirecte. «Même si j’ai porté le projet, il a aussi été soutenu de bout en bout par toute l’équipe du centre, précise Achille Donnet. Chacun-e y a contribué, que ce soit en animant des parties, en rédigeant des fiches métier ou en accompagnant les jeunes lors de rendez-vous avec les graphistes, la maison d’édition ou l’imprimerie. Ce processus a par ailleurs permis de vivre des situations proches de la vie professionnelle: prise de parole, présentation, découverte des métiers impliqués dans la création d’un jeu.»

Au-delà de l’aspect ludique, «Postulo» agit comme un outil pour dédramatiser la perspective de l’avenir professionnel. «Une jeune patiente m’a dit qu’il était très rassurant de voir le parcours de son personnage sous forme de cases. Pour beaucoup de nos patient-es, l’avenir est flou, lointain, presque paralysant. Le jeu permet de se concentrer sur la première marche, pas sur le sommet.» 

Depuis sa parution, «Postulo» est employé dans des structures de soin, mais aussi dans les écoles. Le jeu de plateau a par ailleurs été intégré à la campagne de sensibilisation «Après l’école, on fait quoi?» lancée en début d’année par la Ville de Lausanne pour aider les jeunes à mieux aborder la transition entre l'école et le monde professionnel.