Les capacités cérébrales varient beaucoup d’une personne à l’autre. Mais quelques pratiques de bon sens permettent de les optimiser.
Qui n’a jamais rêvé de devenir plus intelligent-e, plus perspicace, plus efficace ? Capable de se concentrer longtemps et d’assimiler ainsi une importante quantité d’informations ? Le cerveau, cet organe si primordial dans chacun des gestes du quotidien, peut-il vraiment être entraîné pour gagner en performance ? Et, si oui, comment ?
« Près de la moitié du cerveau est occupée par le lobe frontal, qui traite notamment des fonctions exécutives », expose Gilles Allali, directeur du centre Leenaards de la mémoire du CHUV-UNIL. Soit le fait de donner un signal à une partie du corps afin d’entreprendre une action, comme marcher, porter une fourchette à sa bouche, ou encore donner de la voix. Le reste des fonctions du cerveau se répartit entre la mémoire, l’attention, la concentration, mais aussi le langage, le calcul ou encore la vision.
Et nous sommes loin d’être tous égaux en la matière. « Les capacités cognitives sont influencées, à peu près pour moitié, par des facteurs génétiques », expose Enrico Amico, chercheur à l’Institut de bio-ingénierie de l’EPFL. Avec son équipe, il a d’ailleurs annoncé fin 2021 une découverte primordiale : nous avons tous une empreinte cérébrale propre, au même titre que le sont nos empreintes digitales. L’autre moitié des capacités cognitives s’explique par l'environnement dans lequel évolue un individu : son niveau d’éducation ainsi que celui de ses parents, mais aussi le niveau socio-économique dans lequel il a grandi. Tous ces facteurs participent à ce que l’on appelle la réserve cognitive d’un individu, précise Gilles Allali.
Alimentation, musique et émotions
Alors, quelles méthodes pour assurer la bonne santé du cerveau ? Il n’existe certainement pas d’aliment miracle pour booster ses capacités cérébrales au quotidien, mais il semble aujourd’hui assez sûr que dans le cas de la maladie neurodégénérative d’Alzheimer par exemple, un régime de type méditerranéen va plutôt ralentir le déclin des patient-es, en comparaison à une alimentation grasse et à base de viande rouge. « Les études qui conduisent à ces résultats ont été menées sur des cohortes de milliers de patient-es, ce qui leur confère une certaine crédibilité, mais aussi une variabilité au niveau individuel », dit Gilles Allali.
L’apprentissage d’un instrument de musique constitue également un bon stimulant pour le cerveau. Cette activité revient à apprendre un nouveau langage, c’est donc ce mécanisme –celui du langage– qui est ainsi développé. Les instrumentistes auront alors une réserve cognitive plus importante que les non-musicien-nes, qui n’exercent pas régulièrement ces compétences précises. D’autant que la musique est liée aux émotions, et les capacités de mémorisation sont plus efficaces dans un contexte émotionnel particulier. Un exemple : tout le monde ou presque se souvient exactement de son activité du 11 septembre 2001. Or, qui se rappelle son activité du 12 septembre de la même année ?
Le neurofeedback, s’observer pour mieux se réguler
Il existe une méthode qui permet de réguler son activité cérébrale : le neurofeedback. « Le neurofeedback consiste à observer les oscillations de l’activité cérébrale d’un individu sur une bande de fréquences, et à lui présenter une mesure de cette activité en temps réel, de manière à lui faire prendre conscience du fonctionnement de son cerveau, explique le docteur en neurosciences Maël Donoso. Et ainsi de pouvoir modifier ses comportements, en fonction d’un objectif défini. »
Pour les patient-es qui ont besoin de se relaxer par exemple, l’amplitude de la fréquence alpha (8-12 oscillations par seconde) constitue un bon indicateur. Cette amplitude peut être présentée à ces personnes sous forme de jauge, ou d’autres indicateurs visuels ou auditifs, et leur objectif sera alors d’augmenter cette mesure. Une pratique courante est de montrer un film, qui s’arrête quand l’activité cérébrale se situe dans une bande de fréquences trop élevée ou trop basse. Avec l’envie de continuer le film, l’individu adaptera ainsi son comportement en conséquence.
Actuellement, le neurofeedback est surtout utilisé pour amener des patientes à se relaxer, dans des cas de douleurs chroniques, migraines, troubles du sommeil ou de l’appétit ou états d’anxiété, en complément d’un suivi médicamenteux et/ou psychologique. La méthode s’avère également bénéfique pour les troubles de l’attention avec ou sans hyperactivité, chez les adolescentes notamment. « Ces deux applications connaissent aujourd’hui un bon niveau de validation scientifique, avance Maël Donoso. Il faut néanmoins veiller à consulter des praticien-nes qualifié-es, qui utiliseront des protocoles appuyés sur les données de la recherche. »
Répéter, encore et encore
Lors de l’enfance et de l’adolescence, périodes où l’on emmagasine une foule de connaissances et d’informations, les recettes pour entretenir le cerveau tiennent surtout du bon sens. Il s’agit par exemple de se concentrer sur une chose à la fois. « Les jeunes qui font leurs devoirs en regardant la télévision et en répondant à des messages ne pourront pas assimiler correctement ce qu’ils apprennent.
Un autre élément primordial est le sommeil, par sa quantité et sa qualité. Par ailleurs, la capacité d’attention n’est pas la même chez l’enfant de 5, 10 ou 15ans. Les programmes scolaires sont notamment établis en fonction des connaissances que la science délivre sur le fonctionnement du cerveau.
Et puis, pour tout apprentissage, la répétition est la clé. « L’apprentissage est facilité quand l’individu montre une bonne capacité à faire des liens entre différents éléments », explique Gilles Allali. Une personne qui bénéficie d’un vocabulaire riche, par exemple, apprendra rapidement, car elle peut ainsi faire plus de liens entre les mots qu’elle connaît déjà.
Naturellement, la plasticité cérébrale, soit la capacité à faire de nouvelles connexions neuronales via les synapses, évolue au cours de la vie. Une victime d’un AVC jeune récupérera par exemple beaucoup plus facilement qu’une personne âgée.
Pour stimuler son cerveau, il n’existe donc pas de recette miracle. Et les moyens qui paraissent avantageux au premier abord ne le sont pas sur le long terme. C’est le cas des drogues notamment, sous toutes leurs formes. Les substances qui permettent de rester éveillé longtemps par exemple auront des effets secondaires souvent bien plus problématiques pour la santé du cerveau que les apparents bénéfices qu’elles lui octroient à court terme. « Les personnes alcooliques constituent une part non négligeable de nos consultations, reconnaît Gilles Allali. Certaines ne peuvent pas se retrouver en public sans avoir bu un ou deux verres. Mais le gain apporté par la désinhibition se perd très vite : l’alcool affecte directement la mémoire et les fonctions exécutives. »