S’injecter des vitamines, un boost pas si anodin

Catherine Rüttimann

Publié il y a 2 mois

01.06.2025

Partager

Vendus comme des remèdes à différents maux, l'efficacité des cocktails administrés par intraveineuse n'a pas encore été démontrée scientifiquement.

Censées soulager rapidement les effets d’une «gueule de bois», augmenter l’énergie lors d’une période de fatigue «physique ou morale», ou encore renforcer le système immunitaire, les injections de vitamines sont en vogue depuis plusieurs années aux États-Unis. Les mérites de cette «vitamin IV therapy», ou vitaminothérapie intraveineuse, y ont été vantés par des célébrités comme Madonna, Rihanna ou encore Kim Kardashian, contribuant à leur diffusion.

Cette tendance gagne aussi la Suisse. De Genève à Montreux, des cliniques d’esthétique dirigées par des professionnel-les de la santé proposent désormais des injections de solutions salines infusées de vitamines ou de minéraux. Elles diffusent des publicités sur les réseaux sociaux à destination d’un public jeune et fortuné. Ces sociétés incluent parfois dans leurs prix, qui oscillent entre 300 et 550 francs, le déplacement d’une infirmière ou d’un infirmier à domicile pour poser la perfusion. Le contenu de ces poches aux couleurs pop et aux noms prometteurs, comme «recovery», «immunity», ou encore «anti-âge» peuvent être administrés sept jours sur sept, 24 heures sur 24.

Ces promesses séduisantes ne convainquent pourtant pas Pedro Marques-Vidal, professeur auprès du département de médecine interne du CHUV. «Si vous recevez une dose colossale de vitamine B12 dans la veine, seule une toute petite partie sera absorbée par la moelle osseuse pour faire des globules rouges. La quasi-totalité, vous allez simplement l’uriner.» Ce mécanisme d’élimination rend la pratique a priori inoffensive, sauf pour des personnes présentant une insuffisance rénale. «La très haute dose de vitamine C de certaines solutions présente des risques avérés en matière de formation de calculs rénaux.» En outre, le chercheur critique le remède «anti-gueule de bois», car il y voit une quasi-incitation aux excès alcooliques.

Contourner l’absorption digestive

Les entreprises qui s’inscrivent dans cette pratique mettent en avant le contournement de la barrière intestinale. En administrant le produit par voie intraveineuse, au lieu de le boire, le corps serait ainsi plus enclin à absorber efficacement les nutriments. Un argument que réfute Pedro Marques-Vidal. «Cette affirmation montre une ignorance du métabolisme des vitamines. Le principal réservoir de vitamine B12 dans le corps est le foie, et les vitamines B1 et B6 ont besoin d’être activées au niveau du foie par un processus appelé phosphorylation. Donc «court-circuiter» le foie, c’est justement aller contre la métabolisation naturelle des vitamines.»

L’absence de base scientifique étayée dérange particulièrement le spécialiste. «Je trouve déontologiquement dommageable pour la profession que des collègues proposent des traitements qui ne sont pas basés sur des preuves.» Les injections de vitamines ont, certes, été pratiquées un temps dans un contexte hospitalier. «Au CHUV, les perfusions de vitamine C nous ont intéressé, notamment en oncologie. Mais ce n’est plus le cas, car les études randomisées n’ont rien donné.» 

Effet placebo?

Pour Pedro Marques-Vidal, un effet placebo pourrait expliquer le succès de cette tendance. «On vous injecte quelque chose, parfois chez vous, dans votre intimité, donc ça doit marcher. Le prix de la prestation pourrait jouer un rôle lui aussi. Car si c’est cher, c’est sûr, ça doit être efficace.» 

Réseaux sociaux / Société