La kétamine a plusieurs facettes. Utilisée comme drogue hallucinogène à partir des années 1990, la chirurgie s’en sert couramment dans l’anesthésie, pour maintenir la narcose. Toujours en médecine, la molécule joue un rôle dans le traitement de la dépression, depuis quelques années. «La substance est efficace pour lutter contre les dépressions graves. Nous l’administrons soit par voie veineuse, soit grâce à un spray nasal.» La deuxième option est reconnue par les assurances maladie depuis 2022, tandis que la première alternative suit encore une utilisation off-label, c’est-à-dire selon une prescription du médicament pas encore reconnue officiellement. «Grâce à la kétamine, il est possible de cibler un spectre de récepteurs neuronaux plus large que les antidépresseurs couramment prescrits.»
Évidemment, la prise en charge de la dépression avec de la kétamine ne s’envisage pas sans un suivi thérapeutique global. Aussi, ce n’est pas un type de traitement qui se prend à la maison. «Au CHUV, la prise en charge en ambulatoire a été développée avec la psychiatre Marie-Thérèse Clerc. Lorsqu’une personne reçoit de la kétamine, par voie intraveineuse ou nasale, elle est entourée d’une équipe spécialisée qui surveille que tout se passe bien.»
À la différence de la prise aux effets hallucinogènes lorsqu’elle est consommée comme une drogue festive ou de l’effet d’endormissement dans le contexte de l’anesthésiologie, le dosage recommandé pour le traitement de la dépression peut cependant être ressenti. «Il est possible d’éprouver une légère dissociation sur un mode onirique. Cependant, la qualité de l’expérience vécue grâce à la substance n’a rien à voir avec l’efficacité thérapeutique.» Concernant la crainte d’une potentielle accoutumance, Kevin Swierkosz-Lenart se veut rassurant. «D’après les connaissances actuelles sur la molécule dans le traitement de la dépression, il n’y a pas de risque majeur.»
Kevin Swierkosz-Lenart est responsable de l’Unité de psychiatrie interventionnelle dans le Service universitaire de psychiatrie de l’âge avancé (Supaa) dirigé par Armin von Guten au CHUV.
Marie-Thérèse Clerc est médecin cadre au sein du Supaa.