DE LA PEAU DE CABILLAUD POUR RÉGÉNÉRER LA PEAU HUMAINE

BRUNO DELABY

Publié il y a 1 mois

13.12.2024

Partager

Considérée comme un déchet, la peau de poisson possède en réalité des vertus pour accélérer la cicatrisation.

«J’étais face à une situation désastreuse: un enfant avait un trou d’environ douze centimètres de diamètre au niveau du crâne, l’os pouvait s’infecter, il fallait que la plaie soit refermée au plus vite. J’ai alors décidé d’essayer ce nouveau produit à base de peau de poisson. Six semaines après l’application, la plaie était fermée, un processus qui aurait duré plusieurs mois en temps normal», raconte le Professeur Anthony de Buys Roessingh, médecin-chef en chirurgie de l’enfant et de l’adolescent au CHUV. 

Au nord de l’océan Atlantique, les cabillauds sont initialement pêchés pour être consommés. Mais Kerecis, une entreprise basée à Isafjordur, au nord de l’Islande, a décidé de récupérer la peau de ces poissons, considérée comme un déchet, pour la transformer en pansement favorisant la cicatrisation. Ces peaux de poisson font office d’échafaudages pour aider les nouvelles cellules de peau humaine à coloniser le vide laissé par les plaies. À l’échelle microscopique, la structure de la peau de ce poisson blanc est similaire à celle des humains et présente plusieurs avantages d’un point de vue médical: l’absence de cellules vivantes réduit le risque de rejet. Cette méthode garantit aussi une plus forte résistance aux virus. 

Les cabillauds du nord de l'océan Atlantique sont initialement pêchés pour être consommés et la peau du poisson est considérée comme un déchet.

Kerecis, une entreprise basée à Isafjordur, au nord de l'Islande, récupère la peau de cabillaud pour en faire des pansements.

Cette technique contribue à la création de nouvelles cellules de peau humaine pour combler les plaies.

La structure de la peau du cabillaud est similaire à celle des humains.

La peau de cabillaud comme derme artificiel

Le produit arrive lyophilisé et nécessite une courte réhydratation avant d’être utilisé. Une machine permet de trouer la peau de manière régulière pour créer une sorte de filet, augmentant ainsi la surface du pansement pour couvrir de larges plaies. Au contact de la peau humaine, le tissu à base de cabillaud se gélifie et joue le rôle de derme artificiel. 

Cette solution est jugée intéressante, mais ne devrait pas pour autant faire disparaître les méthodes classiques. «On remarque une grande efficacité sur les plaies profondes, s’il manque du muscle ou s’il faut recouvrir un tendon. C’est un excellent tissu intermédiaire pour faciliter la reconstruction. Ce produit est maintenant homologué par le CHUV et utilisé en complément des méthodes existantes. Dans le cas des grands brûlés, les cellules de peau ne peuvent pas recouvrir ce derme artificiel et une greffe de peau, à partir de celle de la personne blessée, est nécessaire pour finaliser le traitement. Au CHUV le centre de production cellulaire (CPC) permet de multiplier des cellules de peau des grand-es brûlé-es avant de procéder à une greffe», souligne le chirurgien.

Après trois ans d’utilisation avec des résultats prometteurs, il est temps pour le professeur Anthony De Buys Roessingh d’élargir son application. «Nous pouvons imaginer une utilité à ce produit dans tous les domaines nécessitant une reconstruction de tissu. En effet, la peau de cabillaud est actuellement testée pour la chirurgie maxillo-faciale.»