La pratique sociale et communautaire peut, à faible coût, changer en profondeur les conditions de vie de populations peu visibles.
L es qualificatifs ne manquent pas pour vanter le système de soins suisse, dont la couverture est considérée comme universelle : performant , à la pointe , l’un des meilleurs au monde . Pourtant, une partie de la population n’y a pas accès, ou seulement partiellement. Personnes migrantes, en situation de handicap, au chômage, sans domicile fixe, en prison, travailleur.se.s du sexe, mères célibataires et bien d’autres encore : beaucoup d’individus passent entre les mailles du filet ou rencontrent des difficultés pour accéder aux prestations qui leur reviennent. Dans ce contexte, la prise de conscience du rôle de la médecine sociale dans l’accompagnement des plus pauvres est indispensable.
« La santé, c’est aussi la communauté, rappelle le professeur Patrick Bodenmann, chef du Département Vulnérabilités et médecine sociale (DVMS) d’Unisanté, également titulaire de la chaire de médecine des populations en situation de vulnérabilité de l’Université de Lausanne (Unil). La médecine sociale ne prend pas uniquement en compte les données biomédicales, mais aussi et surtout les déterminants socio-économiques de la santé : enfance difficile, chômage, parcours migratoire, violences… Tout ce qui se passe hors du cabinet a un impact sur l’état de santé physique et mental. Pratiquer la médecine sociale inclusive implique de s’intéresser à l’individu dans son entier. »
Un individu qui, d’un jour à l’autre, peut se trouver en « situation de vulnérabilité », un concept incontournable en médecine sociale. La notion de vulnérabilité est dynamique, précise-t-il. Être fragilisée aujourd’hui ne signifie pas nécessairement que ce sera le cas demain. En témoigne la récente pandémie de Covid-19 qui a soudainement privé une partie de la population de ses revenus. Plus fréquemment, un divorce ou une perte d’emploi peuvent mener à l’isolement. Des histoires et des parcours de vie aussi variés que les maux à panser. « On a le monde entier dans nos salles d’attente », aime rappeler Patrick Bodenmann. Ces histoires individuelles tissent une toile complexe aux enjeux multiples, dont la médecine sociale et communautaire se nourrit, autant sur le terrain que dans le pôle académique.
Chiffre
En francs, le montant annuel dédié à la santé par habitante en Suisse
1. LES DISPARITÉS SOCIALES, SOURCES D’INÉGALITÉ FACE À LA SANTÉ
Aux origines de la médecine sociale se trouve le constat, au XIXe siècle, que des inégalités sociales face à la santé émergent dans les villes qui s’industrialisent. Les fondateur.trices de la santé publique peuvent ainsi démontrer la vulnérabilité de certains groupes de la population, notamment les ouvrier.ères face aux propriétaires industriels. Les conditions de vie insalubres s’accroissent et favorisent la transmission de la tuberculose pulmonaire. La thématique met toutefois du temps avant d’être théorisée : elle le sera pour la première fois en 1977, en Grande-Bretagne, via le « rapport Black » qui pointe les différences systématiques en matière de santé en fonction de la position sociale. Un tournant historique.
Au début du XXIe siècle, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) publie un rapport sur les déterminants sociaux de la santé, établissant les inégalités comme une problématique transversale. Si les États-Unis et la Grande-Bretagne sont en avance sur ces questions, la Suisse peine à faire de cette thématique une priorité. D’une part, rappelle Patrick Bodenmann, parce que notre système est décrit comme ultra-performant et inspire confiance, sans compter le tabou qui entoure la pauvreté dans un pays riche et, d’autre part, parce que les forces se concentrent sur la médecine « technique », plus prestigieuse.
« On parle beaucoup de la médecine de pointe car elle coûte extrêmement cher. Elle contribue à faire exploser les budgets de la santé en soignant une partie de la population qui n’est de loin pas la plus importante, souligne Claudine Burton-Jeangros, sociologue de la santé et de la médecine à l’Université de Genève. La médecine de pointe s’intéresse à des maladies, à des problèmes à régler qui restent rares. À l’autre extrême, la médecine sociale s’intéresse aux personnes qui ont des maladies physiques et mentales, plus banales et courantes. Elle répond aux besoins de santé primaires de la population dans son ensemble. » Et coûte a priori moins cher. En plus, les maladies tardivement traitées pèsent lourd sur le système sanitaire.
Les premières politiques publiques pour lutter contre les inégalités en Suisse sont élaborées dans les années 1950. Néanmoins, les disparités ont perduré jusqu’à aujourd’hui. En effet, le pays manque de données qui permettraient de cibler les inégalités en matière de santé, et ainsi de mieux y répondre. « En Suisse, les enjeux de mesure de l’équité sont encore absents, pointe Kevin Morisod, médecin et doctorant au Département Vulnérabilités et médecine sociale d’Unisanté, dont le focus est l’équité en santé. Nous recueillons très peu d’informations sur l’origine ethnique ou le niveau socio-économique des individus, contrairement à des pays comme la Grande-Bretagne ou les États-Unis, qui ont des indicateurs d’inégalités dans la population. » Des informations sont collectées par les assurances maladie qui possèdent toutes les données en matière de santé de la population, rappelle le chercheur, mais elles n’ont pas l’obligation de les rendre publiques.
Lexique
DÉTERMINANTS SOCIAUX DE LA SANTÉ (DSS)
Les facteurs non médicaux qui influencent les résultats en matière de santé et les conditions dans lesquelles les gens évoluent. Et l’ensemble des facteurs et systèmes sociaux, politiques et économiques qui façonnent les conditions de vie quotidienne.
INÉGALITÉS SOCIALES DE SANTÉ
Cette expression regroupe les différences au niveau de l’état de santé et les inégalités d’accès aux soins. Découle directement de la condition sociale des personnes en lien avec le revenu, la position professionnelle ou encore la formation.
PRÉCARITÉ
Un état d'instabilité sociale en lien avec l’absence d’une ou plusieurs sécurités, par exemple au niveau de l’emploi.
PAUVRETÉ
Lorsque la précarité devient chronique et qu’elle affecte plusieurs domaines de l’existence.
ÉQUITÉ
Une absence de différences injustes ou évitables entre des groupes de personnes, qu’ils soient définis sur le plan social, économique, démographique ou géographique ou d’après le genre, l’origine ethnique ou le handicap. Est atteinte lorsque chacune peut réaliser pleinement son potentiel de bien-être.
SEUIL DE PAUVRETÉ
En 2020, il se situe en moyenne à 2279 francs par mois pour une personne seule et à 3963 francs par mois pour un ménage avec deux adultes et deux enfants de moins de 14 ans.
VULNÉRABILITÉ
Un manque d’ajustement entre les besoins et les ressources à disposition, augmente la probabilité de subir un tort, notion dynamique qui peut concerner tout le monde au cours d’une vie.
2. UN SYSTÈME PARTIELLEMENT «UNIVERSEL»
En 2019, les dépenses annuelles consacrées à la santé se montaient à 8858 francs par habitante, soit le deuxième montant le plus élevé après les États-Unis. En termes de coûts directs pour les ménages, la Suisse est en tête des classements mondiaux. Aux yeux de Kevin Morisod, le coût engendré par un système « dense en ressources humaines et matérielles, aux soins de haute qualité » est un réel enjeu d’équité, y compris pour les personnes possédant une assurance maladie : « La franchise, la quote-part, ou des primes non proportionnelles au revenu sont des éléments qui pèsent lourd sur les ménages à faibles et moyens revenus. » Avec parfois pour conséquence un renoncement aux soins pour des raisons financières, lorsqu’il faut choisir entre se nourrir, se loger et des traitements non urgents, ce qui ne va pas aller en s’améliorant si l’on en croit l’augmentation moyenne des primes maladie de 6,6% l’an prochain. Cela faisant basculer les personnes proches du seuil de pauvreté du mauvais côté.
L’Observatoire suisse de la santé estime qu’entre 10 et 20% de la population du pays a déjà renoncé à des soins, à des traitements ou des contrôles médicaux pour des raisons financières. En tête, les soins dentaires, non couverts. C’est le cas de Sarah*, 31 ans, qui a mis deux ans à soigner une carie et a abandonné l’idée de remettre un stérilet à 400 francs, augmentant ainsi le risque d’une grossesse non désirée. La doctorante dispose d’un petit revenu et n’a droit à aucun subside en raison de son permis B. « Soit on est pauvre et on reçoit des aides, ou alors on est riche et on a accès aux soins. Qu’advient-il des gens entre deux ? » s’interroge la jeune femme. De son côté, Loris*, père de famille, considère qu’avec sa franchise à 2500 francs « aucun soin n’est remboursé. J’attends de voir si mon cas empire avant de consulter. »
Un suivi défaillant des maladies chroniques peut entraîner des visites fréquentes aux urgences, déjà saturées. Kevin Morisod rappelle que, dans certains pays, « les urgences sont la porte d’entrée du système de santé ». Au contraire de la Suisse, où il faut passer par un médecin traitant. Complexe et peu transparent, notre système de soins peut se révéler un labyrinthe pour les personnes en situation de migration, notamment. C’est le cas d’Aden*, arrivé de Somalie comme requérant d’asile en 2009, qui n’avait, à l’époque, pas connaissance du concept de « médecin de famille ». Pris en charge par le CHUV, il s’est vu administrer des antibiotiques pendant trois ans faute de centralisation des informations. Résultat : une aggravation de sa santé et une résistance aux médicaments.
La sociologue Claudine Burton-Jeangros rappelle également que pour nombre de personnes précarisées, ou sans contrat de travail, le fait d’être malade peut aussi signifier ne pas toucher d’argent ou, le cas échéant, perdre son poste. Il n’est pas rare que des personnes clandestines ou sans papiers refusent d’aller à l’hôpital par peur de se faire dénoncer. Elles ont pourtant droit à des soins. Si les structures officielles peuvent faire peur, des entités comme l’Équipe mobile d’urgences sociales (EMUS) ou les nombreuses associations, à l’image de Médecins du monde, font un travail important, autant au niveau de l’information et des ressources qu’au niveau médical. Un travail en réseau est nécessaire pour atteindre les personnes hors système car sans papiers ou marginalisées.
Autre faille du système de soins, l’accès à des interprètes communautaires, dont le financement n’est pas standardisé en Suisse. « Les enjeux des barrières linguistiques et culturelles sont importants. Les frais d’interprétariat ne sont pas pris en charge par l’assurance maladie mais revient aux hôpitaux », détaille le médecin au Département Vulnérabilités et médecine sociale d’Unisanté, Kevin Morisod. Avec le risque d’une mauvaise compréhension ou, si la traduction est assurée par un membre de la famille, un non-respect du secret professionnel et de l’anonymat. Les problèmes de «littératie» en santé, soit le manque de compréhension de la santé et du système de santé par les patientes, ne touchent pas uniquement les personnes étrangères, mais également suisses. La Fédération Lire et Écrire estime à environ 800’000 le nombre de personnes qui seraient concernées par l’illettrisme, dont la moitié sont nées sur le sol helvétique et ont suivi l’école obligatoire.
« Malgré les conditions difficiles, nous essayons de voir le positif »
Arrivée en Suisse le 16 avril dernier d’Ukraine avec ses parents, Maryna Melnyk réside désormais dans le canton de Vaud. Malgré les difficultés rencontrées, elle tient à exprimer sa reconnaissance pour l’accueil mis en place par la Suisse à destination des réfugié-es d’Ukraine.
« Ce matin encore, j’ai appris que des bombes avaient été lâchées sur ma ville d’origine », murmure Maryna Melnyk, l’émotion la forçant à interrompre son récit quelques instants. Arrivée au centre d’asile de Boudry en avril dernier, puis passée par la structure d’hébergement temporaire de Beaulieu, l’Ukrainienne est hébergée avec ses parents depuis quatre mois (on leur avait dit deux semaines) par l’Établissement vaudois d’accueil des migrants (EVAM).
« Nous avons eu de la chance de pouvoir rejoindre la Suisse, mais cela a généré beaucoup de stress, notamment pour ma mère de 70 ans qui se déplace en chaise roulante. Cette situation complique beaucoup de choses, notamment pour les rendez-vous médicaux auxquels il faut se rendre. Mais nous avons été bien accueillis. Dès notre arrivée, nous avons eu un rendez-vous avec des infirmières, puis des psychologues qui nous ont posé des questions sur notre état psychique. Nous avons par la suite été redirigées vers un médecin russophone pour un contrôle individuel. »
La quadragénaire, qui travaillait comme cheffe de triage de documents civils, relève quelques différences compréhensibles entre les systèmes suisse et ukrainien : « Les pharmacies en Ukraine proposent un vaste choix de médicaments en libre accès, notamment les antibiotiques. Ici, même s’ils sont gratuits pour nous, c’est difficile de s’en procurer sans ordonnance. On doit s’habituer à ce nouveau système, c’est parfois compliqué car on a très peu de renseignements mais on arrive à s’informer par le bouche à oreille. »
« Même si les conditions de vie sont parfois difficiles dans un foyer qui accueille beaucoup de monde, et que les journées peuvent être longues, nous essayons de voir le positif. Nous arrivons désormais à dormir. Les débuts étaient angoissants car des avions de ligne survolent fréquemment le foyer, ce qui nous rappelait de mauvais souvenirs. Je suis très reconnaissante de l’accueil de la population suisse envers les Ukrainiens, de savoir que je peux toujours trouver de l’aide, ou recevoir des soins. Mais pour l’heure, la seule chose à laquelle nous rêvons, c’est de retrouver notre maison, et aujourd’hui, ce n’est pas possible. »
Chiffre
Part de la population suisse qui a déjà renoncé à des soins médicaux pour des raisons financières
Une équipe spécialisée pour lutter contre le syndrome «encore elle, encore lui»
Il arrive que certaines personnes se présentent de façon répétée aux urgences pour un problème qui pourrait être mieux pris en charge dans un autre service. « On parle d’usager fréquent lorsqu’un individu a consulté cinq fois ou plus au cours des douze derniers mois, précise Patrick Bodenmann, chef du Département Vulnérabilités et médecine sociale d’Unisanté. On considère, dans le canton de Vaud, que ce phénomène concerne une personne sur sept, mais qu’il représente 12 à 15% de l’ensemble des consultations d’urgence. »
Pourtant, d’après les études menées par le chercheur et son équipe, 80% des patient-es récurrentes ont un médecin traitant. « D’abord, le rapport à l’urgence est très subjectif. Ensuite, pour de nombreuses personnes, particulièrement lorsqu’elles se trouvent en situation de vulnérabilité, le fonctionnement du système de santé peut être opaque. Une autre explication à cette pratique est qu’il peut apparaître rassurant de s’adresser à un établissement qui possède un important plateau technique.
Cependant, dans cette situation, personne ne trouve son compte. Le personnel médical est mis sous pression, puisque ces consultations peuvent participer à limiter la possibilité de s’occuper rapidement des patientes qui ont besoin d’une prise en charge urgente. Et les personnes qui consultent pour une raison non urgente, souvent de l’hypertension, du diabète ou encore la perte de leurs médicaments, ne bénéficient pas de la qualité de soins attendue. « Cette conjoncture augmente aussi le risque d’actes de discrimination envers les usagers fréquents, ce qui est hautement problématique. »
Pour améliorer la qualité de l’environnement de travail du personnel des urgences et la prise en charge des personnes qui consultent fréquemment, une équipe infirmière a été mandatée pour agir directement sur place. Le système repose sur un programme informatique qui avertit automatiquement l’équipe infirmière lorsque la personne est identifiée comme usagère fréquente. « Dès que l’usager fréquent a terminé sa visite auprès des urgentistes, un case manager de l’équipe infirmière entre en contact avec la personne pour la guider vers le service qui pourra le mieux répondre à son besoin. » Le dispositif a déjà permis de réduire le nombre de consultations de 20% en une année. «Le rapport à la maladie peut être très différent d’un individu à l’autre, il est parfois aussi influencé par la culture de la personne. Il est donc nécessaire que les case managers possèdent des compétences cliniques transculturelles.»
3. Une médecine sociale sous pression
Aux obstacles financiers ou culturels se greffe l’actualité : pandémie, crise énergétique, guerre en Europe ou encore réchauffement climatique mettent le système de santé suisse sous pression. « La détresse humaine est malheureusement un réservoir intarissable », commente le professeur Patrick Bodenmann, qui a dédié sa carrière à la lutte contre les inégalités. Il suit l’actualité liée à la thématique de l’asile, qui a été aggravée par les récents évènements survenus dans l’Est de Europe. La situation migratoire est appelée à se complexifier dans les décennies à venir. « Ce qui se passe avec l’Ukraine est inédit, autant en termes de volume qu’en termes d’accueil. À l’avenir, le système sanitaire devra être repensé. »
Au mois de juin 2022, le canton de Vaud comptabilisait le chiffre record de 10’000 requérantes en processus d’asile (chiffres du Secrétariat d’État aux migrations) et autant de particularités en matière de santé et de prise en charge. Si les premier-ères réfugié-es d’Ukraine avaient pour beaucoup un niveau socio-économique leur permettant de fuir le pays, dans un deuxième temps ont afflué les personnes plus précaires et donc à la santé plus fragile, à l’instar des requérantes d’autres pays du monde, oubliées par l’actualité.
Outre les conflits présents et futurs, le réchauffement climatique représente également une menace, non seulement en raison du déplacement des populations qui poussera certaines personnes à migrer hors de leurs pays, mais aussi en Suisse en termes d’équité, rappelle Kevin Morisod : « La canicule a pour conséquence une surmortalité essentiellement chez les personnes âgées à revenu modeste, qui ne disposent pas d’un logement adéquat, et ont moins de contacts sociaux. Les personnes sans domicile fixe sont précarisées par des phénomènes comme le réchauffement climatique et la pandémie. »
Si la médecine sociale et communautaire fait face à de nombreux défis externes, la sociologue Claudine Burton-Jeangros pointe un autre enjeu majeur, celui de la reconnaissance de cette spécialité : « La médecine sociale doit pouvoir montrer son intérêt. Le fait de prendre en compte les besoins primaires contribue à la meilleure santé de la population en général. » Patrick Bodenmann et Kevin Morisod vont plus loin : « La médecine sociale est une priorité. Il est aussi de notre responsabilité de bien communiquer sur notre travail et nos recherches. »
La question de la santé doit sortir de l’hôpital, estiment les expert-es. «C’est dans la manière dont la société est organisée qu’on va pouvoir faire en sorte que les gens ne tombent pas malades. Notre société doit être pensée pour réduire les inégalités et assurer l’intégration, en agissant directement sur les déterminants socio-économiques de la santé », relève Claudine Burton-Jeangros. Car la pratique de la médecine sociale ne peut se faire sans un travail en amont sur l’accès à l’éducation, l’aménagement du territoire, le logement, la lutte contre les discriminations et la précarisation du travail… Bref, sans une volonté de prévenir plutôt que de guérir. /
Faire participer les personnes sourdes et malentendantes pour améliorer l’accès aux soins
À la consultation gynécologique du CHUV, Martine Jacot-Guillarmod, médecin adjointe, est entourée de deux sages-femmes qui connaissent la surdité et la malentendance et maîtrisent la langue des signes et la langue parlée complétée. « Ce dispositif repose principalement sur des initiatives personnelles, il est impératif de le généraliser afin de garantir l’accès aux soins pour les personnes S/sourdes* et malentendantes », explique Véronique Grazioli, responsable de recherche à Unisanté au sein du Département Vulnérabilités et médecine sociale. La Fédération suisse des Sourds estime que 10’000 personnes sont sourdes de naissance en Suisse, tandis que le nombre de celles atteintes de troubles auditifs s’élèverait à 1 million. « Très souvent, les individus touchés n’osent pas demander au médecin de répéter une information. Cela peut engendrer des situations complexes. Le fait de ne pas comprendre comment prendre un médicament, par exemple. » La recherche menée par Unisanté, en collaboration avec le CHUV, implique des personnes concernées par la surdité et la malentendance pour améliorer l’accès et la qualité des soins. «Il est impératif d’agir au niveau de la formation pour que le personnel possède des outils permettant d’améliorer la communication. Des mesures simples, comme doubler le temps des consultations et engager des personnes ressources sont également essentielles.»
*Ce terme permet d’inclure à la fois les personnes sourdes et celles qui s’identifient comme tel.
Unisanté, au service de la santé publique
L’organisme Unisanté (Centre universitaire de médecine générale et santé publique) a pour mission de décrire les inégalités, d’en comprendre la causalité et d’implémenter des solutions pour réduire les inégalités sociales de santé. Ce centre est né le 1er janvier 2019 de la fusion entre la Policlinique médicale universitaire, l’Institut universitaire de médecine sociale et préventive, l’Institut universitaire romand de santé au travail, l’association Promotion santé Vaud et l’Équipe mobile d’urgences sociales. En plus du travail de terrain, le pôle académique étudie les divers groupes à risque d’iniquité (personnes sourdes et malentendantes, celles ayant un recours fréquent aux urgences, travailleur.se.s du sexe, etc.). Unisanté compte environ 880collaborateurs et collaboratrices réparties sur plus de 15 sites dans l’agglomération lausannoise et le canton de Vaud.
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