Accompagner celles et ceux qui restent
Publié il y a 10 mois
24.08.2024
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L’hôpital, ce lieu qui voit naître des vies et en sauve. Ce lieu, aussi, dans lequel la mort surgit au quotidien. Le CHUV recense en effet entre 1000 et 1200 décès par année. Une réalité avec laquelle composent le corps médical, d’un côté, et les proches, de l’autre. Entre les deux, se trouve le Bureau des décès. Une entité unique en son genre en Suisse romande, rattachée à l’Unité d’accueil et admissions, mise en place il y a 20 ans. Sa mission? Faire le lien administratif entre les différents services de soins, l’Office des prestations funéraires lausannois, la chapelle mortuaire, le Service d’état civil ou encore les pompes funèbres et la famille des défunt-es. Le bureau gère également le traitement des attestations médicales de décès, soit la pièce d’identité du ou de la défunt-e.
«Dès qu’un décès est prononcé par les médecins, il y a la possibilité de nous faire intervenir auprès de la famille. N’ayant pas accès au dossier médical, notre seule information à disposition est l’origine de la mort. Savoir si elle est naturelle ou non, voire indéterminée, peut orienter la prise en charge des proches. Nous détaillons avec ces dernier-ères les démarches à effectuer pour l’organisation des obsèques ou le rapatriement d’un corps par exemple. Par la suite, nous restituons les effets de la personne décédée à la famille. Quant aux objets de valeur, ils sont envoyés à la Justice de paix. Il arrive aussi dans certains cas que nous orientions les proches vers l’Espace de médiation s’il y a une doléance», détaillent Natacha Zaugg et Élodie Paschoud, complices. Elles forment le joyeux tandem qui est à ce bureau depuis quatre ans.
Si l’administratif tient une place prépondérante dans leur travail, Élodie et Natacha mettent un point d’honneur à soigner l’accueil des personnes endeuillées qui éprouvent souvent le besoin de confier leur peine ou de partager un souvenir heureux. «Notre métier est très prenant humainement et requiert une grande ouverture d’esprit, de capacité d’écoute et d’empathie, mais de la juste manière. Bien sûr que l’on ressent la tristesse d’une personne, mais ce n’est pas la nôtre», soulignent les deux femmes d’une même voix, unies dans le privé par une amitié de plus de quinze ans née aux admissions du Service des urgences du CHUV et de laquelle se nourrit sans doute la douce ambiance qui règne dans le Bureau des décès.
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Leur vision de la mort a-t-elle changé depuis que les deux jeunes femmes la côtoient tous les jours? «J’ai, pour ma part, considérablement évolué dans mes propres croyances grâce à un important travail d’introspection et de questionnement sur ce passage. Je suis aujourd’hui beaucoup plus ancrée et sereine, c’est d’une grande aide pour les accompagnements», confie Natacha. Devenue maman, Élodie a craint un temps ne plus pouvoir faire face à «toutes ces petites âmes» qui partent au CHUV. «Mais le contact avec les gens et le fait de pouvoir être aux côtés des familles endeuillées est tellement important. Je sais que je suis à ma place. Et on se complète, avec Natacha. Si elle sent que c’est dur pour moi, elle prend le relais et vice versa. Notre travail nous permet de chérir d’autant plus nos familles et notre entourage. On a le plus beau métier du CHUV.» Un joli pied de nez au tabou qui pèse encore sur la mort dans la culture suisse, mais aussi au sein de l’hôpital, comme les deux gestionnaires le constatent tous les jours. «Cela fait seulement deux ans qu’un panneau ‹Bureau des décès› a été installé. On l’appelait jusque-là ‹Secrétariat 2›. Même au sein de l’institution, peu de gens savent où nous trouver, voire même ne connaissent pas notre existence. Nous sommes disponibles pour prendre le relais.» Médecin adjoint au Service des soins palliatifs, Michel Beauverd fait régulièrement appel au Bureau des décès, qu’il considère comme une ressource précieuse et sans équivalent. «Élodie et Natacha ont toujours su répondre aux questions administratives que nous ne sommes pas en mesure de gérer, à l’image des papiers à remplir en cas de rapatriement du corps. C’est un soulagement pour nous de savoir qu’un soutien est offert aux proches dans cette période compliquée, administrativement, mais aussi humainement parlant.»
Un conseil pour faciliter la vie de celles et ceux qui restent? «Communiquer ses souhaits», insiste le Bureau des décès. « Il n’est pas rare que les familles se retrouvent surprises face à la disparition d’une personne aimée et éprouvent un sentiment de culpabilité: qu’aurait désiré cette dernière pour son enterrement? Où disperser ses cendres? Que faire de ses effets personnels? Nous invitons régulièrement notre entourage à réfléchir à ce qu’il souhaiterait et à le partager avec les personnes aimées.» Le sourire aux lèvres, Élodie et Natacha se plaisent à imaginer leurs enterrements respectifs sous le signe de la lumière et de la joie. À leur image.