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Une découverte pour développer des vaccins se transforme en start-up

Publié il y a 0 jours

14.10.2025

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La technologie CRISPRi-seq, développée à l'Unil, a franchi une étape décisive: elle a été licenciée à la start-up «i-Seq Biotechnology». Cette innovation ouvre la voie à de nouveaux vaccins pour des maladies encore sans protection.

Tout est parti d’une question simple: pourquoi une bactérie qui vit généralement sans danger dans notre nez peut-elle, dans certains cas, provoquer de graves infections et même la mort? Depuis plusieurs années, le laboratoire du professeur Jan-Willem Veening au Département de microbiologie fondamentale de la Faculté de biologie et de médecine de l’Unil s’intéresse au pneumocoque (Streptococcus pneumoniae), responsable chaque année de centaines de milliers de décès dans le monde.

En étudiant ce pathogène, le microbiologiste et son équipe ont mis au point une nouvelle technologie, appelée CRISPRi-seq. Basée sur une version modifiée de la célèbre enzyme CRISPR-Cas9, elle permet de réaliser des criblages génétiques à grande échelle pour identifier des gènes essentiels à la survie d’un organisme. En utilisant cette technique, les scientifiques ont ainsi trouvé lafB, un gène qui s’est révélé crucial pour la survie du pneumocoque.

En collaboration avec l’Institut Pasteur de Lille, l’équipe a pu tester sa découverte dans un modèle murin simulant les infections respiratoires humaines. «Nous avons ainsi montré que la protéine encodée par ce gène, présente dans toutes les souches de pneumocoque, pouvait  constituer un vaccin prometteur », explique Jan-Willem Veening. Contrairement au vaccin actuellement utilisé dans les pays occidentaux, qui cible la capsule de seulement treize variantes de la bactérie, la protéine LafB pourrait mener à un vaccin à large spectre, capable de protéger contre l’ensemble des souches de pneumocoques existantes. Une avancée importante qui a été publiée dans la revue scientifique Cell Host & Microbe en mars 2024.

Franchir le cap de la production industrielle

Pour passer du laboratoire à l’application concrète, les biologistes ont été confrontés à un défi majeur: la production à l’échelle industrielle, conforme aux standards internationaux. «Cela nécessite plusieurs millions de francs, des infrastructures spécialisées et un savoir-faire industriel que nous n’avions pas», relève Jan-Willem Veening. Son équipe a donc fait appel aux services du Knowledge Transfer Unil CHUV (anciennement PACTT), dont la mission est d’aider les découvertes à passer du laboratoire au monde industriel.

Grâce à une fiche d’informations expliquant la technologie, postée sur plusieurs plateformes, CRISPRi-seq a attiré l’attention d’un groupe d’investisseurs américain spécialisé dans la création d’entreprises à partir d’innovations académiques. En octobre 2024, la start-up i-Seq Biotechnology a ainsi été fondée aux Etats-Unis. «L’entreprise dispose d’une licence exclusive pour exploiter commercialement le brevet, codétenu par l’Unil et l’Institut Pasteur (Lille) et basé sur cette technologie», précise Anne-Renée Leyvraz, Knowledge Transfer Manager, qui a accompagné les inventeurs tout au long du processus vers la commercialisation et la signature de la licence, ensemble avec la juriste Laura Lo Bello et le directeur du Knowledge Transfer Unil CHUV, Alberto Schena. «Ainsi, lorsque des revenus seront générés, les institutions et les inventeurs pourront en bénéficier.»

Vers des vaccins universels?

À terme, la nouvelle technologie pourrait dépasser le cadre du pneumocoque. «La méthode que nous avons développée permet de rechercher de nouveaux antigènes pour d’autres bactéries contre lesquelles il n’existe aujourd’hui aucun vaccin, comme les streptocoques ou les staphylocoques», souligne Jan-Willem Veening.

Les enjeux de santé publique sont considérables. Alors que les résistances aux antibiotiques augmentent et que les vaccins restent coûteux et parfois inaccessibles dans les pays à faibles revenus, le développement de vaccins plus universels et abordables représente un espoir majeur. «C’est un bel exemple de la manière dont une recherche fondamentale peut, parfois par hasard, déboucher sur une application concrète à fort impact», conclut le microbiologiste.