Généralistes

Le système de santé en danger

TEXTE:

Carole Extermann

Publié il y a 3 mois

23.08.2024

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En Suisse, le nombre de médecins de famille disponibles ne suffit pas pour répondre aux besoins de la population.

Il se pourrait qu’après une dizaine d’appels, la messagerie d’un-e généraliste vous répète qu’il est impossible d’obtenir un rendez-vous si vous n’êtes pas déjà patient-e de ce cabinet. Il se pourrait même que vous en veniez, comme le font déjà certaines personnes, à scruter les nécrologies où le généraliste est souvent remercié. Vous pourriez alors objecter :«Je sais que vous avez une place, puisqu’une de vos patientes est décédée.» En 2021, une enquête de la Fédération romande des consommateurs montre qu’en fonction des régions, il faut parfois s’y prendre jusqu’à 30 fois pour obtenir un rendez-vous. Une situation qui risque d’empirer ces prochaines années face au vieillissement de la population et au déficit de relève. En Suisse, il manquera 2300 médecins de famille en 2033, selon la Société suisse de médecine interne. «Il faut des généralistes, ces médecins de famille proches de la population représentent un maillon essentiel», dit Stéfanie Monod, vice-directrice de l’École de formation postgraduée médicale. Les universités accordent plus de temps à la médecine de premier recours et des réflexions sont menées pour rendre l’environnement de travail des médecins de famille plus agréable. Un renforcement de l’interprofessionalité se dessine également. Mais il faut faire vite, car les études de médecine sont longues.

1/ Manifestations concrètes du manque de généralistes

En Suisse, l’inadéquation entre le nombre de médecins formés par rapport aux besoins de la population se creuse. Et même si la statistique médicale 2023 de la FMH constate une légère augmentation (800 équivalents plein temps de plus que l’année précédente), l’organisation précise que cette hausse ne suffira pas à combler l’insuffisance de personnel qualifié. Au manque global de médecins s’ajoute une raréfaction des spécialistes de la médecine de premier recours, qui comprend les pédiatres, les gynécologues, les psychiatres et les médecins de famille.

La surcharge des urgences

Ce manque menace directement la vitalité du système de santé. Faute de généraliste, les personnes qui rencontrent un problème de santé se rendent aux urgences. Une habitude particulièrement problématique, parce qu’elle contribue à engorger ce service et à gonfler les coûts de la santé. En plus, ce système n’est pas fait pour répondre de manière optimale à la majorité des problématiques pour lesquelles les gens consultent. «On croit souvent que le recours facilité aux services des urgences est adéquat, précise Sébastien Jotterand, généraliste à Aubonne et co­président de l’association Médecins de famille Suisse. Ce n’est pas le cas. La mission des urgences est principalement d’exclure le très grave sans pour autant trouver exactement de quoi souffre la personne.» Aussi, la consultation aux urgences implique un éternel recommencement, puisqu’il faut systématiquement faire part de son historique de santé à un-einterne qu’on voit pour la première fois. Sébastien Jotterand souligne aussi la perte d’informations qu’implique ce fonctionnement. Car, en l’absence d’un médecin traitant, les renseignements obtenus sur l’état de santé de la personne et le détail des traitements administrés seront perdus.

Renoncement aux soins

Lorsque les urgences se substituent au médecin de famille, l’accès aux soins devient aussi particulièrement compliqué. En effet, les urgences sont organisées d’abord pour la prise en charge de problèmes de santé aigus. Consulter pour des symptômes gênants mais qui n’engagent pas le pronostic vital imposera aux individus concernés une longue attente. «Non seulement cette dynamique a pour effet de surcharger l’hôpital déjà sous tension, mais elle empêche en même temps tout le travail de prévention, capital pour assurer une bonne santé à la population, explique Stéfanie Monod. Par ailleurs, la limitation d’accès à la médecine de famille peut induire un renoncement aux soins.» Effectivement, personne ne pourrait être admis aux urgences pour faire un check-up ou obtenir des explications ou des conseils sur sa santé. En l’absence d’un médecin de famille, ces types d’examens préventifs sont simplement écartés.

Or, la procrastination de la consultation a de lourdes conséquences pour le système de santé. Car souvent, plus on attend, plus les actes médicaux et les interventions pour se faire soigner seront importants et donc coûteux. Se dessine alors une spirale infernale dans laquelle le manque de généralistes entraîne une lacune importante au niveau de la prévention et donc potentiellement plus de personnes malades réclamant alors encore plus de médecins pour être traitées. Il est pourtant prouvé que la médecine de premier recours, en plus de jouer un rôle essentiel en matière de prévention, sait résoudre 94,3% des problèmes de santé tout en représentant seulement 7,9% des coûts de la santé, comme le souligne l’étude Workforce 2020 du Centre universitaire de médecine de premier recours des deux Bâles.

CHIFFRE

4 sur 10

Le nombre de personnes en Suisse qui ressentent une pénurie de médecins au niveau régional, d’après un sondage mené en 2022 par le magazine «DOC» édité par la Société vaudoise de médecine.

Aspirer les médecins à l’étranger

Pour tenter de combler le manque, la Suisse engage énormément de médecins formés à l’étranger. La Fédération des médecins suisses indique ainsi que 40% des praticien-nes viennent d’un autre pays. Une pratique qui pose des questions éthiques, car en engageant des médecins à l’étranger, la Suisse profite de l’investissement que les autres pays injectent dans la formation. Ces pays ne peuvent pas retirer les bénéfices, puisque leurs jeunes médecins s’échappent une fois professionnalisés.

Pourtant, au niveau de la formation déjà, les places sont limitées. Pour entamer le cursus universitaire de médecine, il faut non seulement réussir son examen, mais aussi se classer parmi les meilleur-es. C’est ce qu’on appelle le numerus clausus, une méthode qui limite le nombre d’individus pouvant suivre les études de médecine par année. Ce qui veut dire qu’il est possible de réussir l’examen, sans pour autant être assuré-e d’avoir une place.

Pour suivre leurs études, un certain nombre d’étudiant-es suisses se rendent à l’étranger, en particulier en Roumanie. Cette alternative intéressait seulement 13 personnes en 2004–2005, contre 111 en 2023. Une fois les études terminées, les jeunes médecins reviennent systématiquement en Suisse pour exercer.

Départ à la retraite reporté

La difficulté à trouver un médecin de famille est une réalité à laquelle est confrontée la population. Mais sont concernés aussi les généralistes, qui ne parviennent pas à partir à la retraite, faute de relève. En janvier dernier, l’émission Mise au point se rendait à Hauterive dans le canton de Fribourg. Il y a là André Schaub, un généraliste qui tente de remettre son cabinet et de confier sa patientèle à un autre médecin de famille, sereinement. La mise à disposition d’un local ainsi que le prêt de 300’000 francs sans intérêts n’ont pas suffi à attirer la relève.

André Schaub n’est pas le seul dans cette situation. Le vieillissement des médecins de famille, et donc l’arrêt de leur activité ces prochaines années, inquiète. Plus d’un-e généraliste sur trois a plus de 60 ans, révèle la RTS en se basant sur le registre des autorisations de pratiquer.

Alors comment expliquer que cette spécialité qui allie connaissances scientifiques pointues et importante dimension humaine, et qui joue un rôle aussi capital pour assurer le bon fonctionnement d’un système de santé, désintéresse au point d’entraîner une pénurie ?

2/ Examen d’un désintérêt pour la médecine

Souvent opposée à tort à la médecine spécialisée, la médecine interne générale a mauvaise réputation. Dans l’imaginaire collectif, le médecin de famille serait un médecin non spécialisé, qui aurait arrêté sa formation plus tôt que les autres, renonçant à se spécialiser dans la chirurgie, l’urologie ou encore l’oncologie. C’est faux. Le nombre d’années nécessaires à l’obtention d’un titre de médecin de famille en cabinet est le même que celui nécessaire pour opérer un cœur. «On oublie trop souvent que les généralistes sont des spécialistes de médecine interne générale, rappelle Stéfanie Monod. Cette orientation, souvent considérée, à tort, comme plus accessible est aussi complexe, voire plus, que n’importe quelle autre spécialité.» 

Une formation centrée sur l’hôpital

Au niveau de la formation, la médecine de premier recours peine à se faire une place. Le cursus est majoritairement articulé à l’hôpital, où les futurs médecins réalisent la majorité de leurs stages. Ensuite, lors de la formation postgrade (c’est-à-dire après l’université), les premières années professionnelles sont aussi effectuées à l’hôpital.

En contact avec la pratique, la réalité de la profession peut s’avérer particulièrement intense. Les jeunes médecins cumulent notamment un nombre important d’heures de travail et sont potentiellement soumis à un stress considérable ou encore à une surcharge administrative. Il peut alors s’opérer un désenchantement participant à s’écarter de la médecine de famille en cabinet, qui réclame, en plus d’être médecin, d’investir dans un lieu pour ses consultations, mais aussi dans une équipe.

«Il y a une hiérarchie qui s’est établie où le métier de généraliste n’occupe pas la place la plus prestigieuse» 

Simon Golay, 23 ans, est étudiant en 3e année de médecine et président de l’Association des étudiants en médecine de Lausanne. Il raconte son rapport à la formation et ce qu’il observe au sein de la formation autour du métier de médecin de famille.

Photo: Heïdi Diaz

«En tant qu’étudiant, il est particulièrement difficile de comprendre pourquoi la formation est si exigeante et, en même temps, pourquoi si peu de personnes peuvent y accéder alors que nous manquons de médecins. Pourtant, les études restent attrayantes. J’ai l’impression que le métier est encore valorisé socialement ; l’image de la blouse blanche, notamment forgée par les séries télévisées et les réseaux sociaux, reste séduisante. Beaucoup s’orientent vers cette profession, inspiré-es par leurs parents, qui sont médecins. Pour ma part, c’est la chirurgienne et chercheuse suisse Jocelyne Bloch qui m’a donné envie de faire ce métier.

Par contre, c’est vrai que la médecine interne générale dans le but de devenir généraliste n’est pas la spécialisation la plus convoitée. Aujourd’hui, une sorte de hiérarchie (qui n’a pas lieu d’être) s’est établie, où le métier de généraliste n’occupe pas la place la plus prestigieuse et donc la plus populaire, contrairement à d’autres spécialités comme la cardiologie, par exemple. En France, ce rapport est amplifié par le fait que les étudiant-es qui obtiennent les moins bonnes notes doivent se contenter des spécialités qui n’ont pas été choisies par les meilleur-es… souvent la médecine générale, tandis que les autres spécialités sont réservées aux plus brillant-es.

À l’Université, les cours sont majoritairement dispensés par des pointures, des spécialistes souvent passionné-es par leur domaine. Leur dévotion nous inspire et nous invite à choisir leur spécialité, ce qui nous donne très tôt une idée de ce que nous pourrions vouloir faire dans notre parcours. Une réalité qui tranche avec l’examen final qui est un examen de généraliste.

Il est d’ailleurs intéressant de constater que ce sont systématiquement les étudiant-es de l’Université de Fribourg qui obtiennent les meilleurs résultats à l’examen fédéral, alors que leurs cours ne sont pas majoritairement donnés par des spécialistes. Si davantage de cours étaient dispensés par des généralistes dès les premières années, nous serions peut-être encouragé-es à envisager cette spécialité plus tôt dans notre parcours. Je pense que la valorisation de la médecine générale serait plus opérante si on nous offrait plus d’opportunités d’immersion en cabinet de médecins de premier recours plus précocement dans notre cursus.

Ensuite, psychologiquement, l’exigence inhérente à ces études nous oblige à mettre une partie de notre vie entre parenthèses au cours de la formation. Nous sommes plongé-es dans des considérations impressionnantes, je pense par exemple au rapport à la mort, à laquelle nous sommes régulièrement confronté-es. Je pense que la pression subie durant la formation et la charge importante de travail incitent certain-es à s’orienter vers une spécialité promettant un mode de vie plus confortable, financièrement. D’autres favorisent, au contraire une carrière universitaire avec une grande possibilité d’évolution dans telle ou telle spécialité. Ce qui est moins évident lorsqu’on s’oriente vers la médecine générale.»

Une charge administrative intense

«Ces dernières années, la charge administrative reposant sur les médecins de famille s’est particulièrement intensifiée, développe Vanessa Kraege, vice-directrice et responsable opérationnelle de l’École de formation postgraduée médicale. De plus en plus d’entreprises demandent par exemple un certificat médical à leur personnel, à partir d’un jour d’absence seulement alors que les patient-es iront spontanément mieux en quelques heures. Les prises en charge par les médecins de famille doivent aussi être documentées de façon beaucoup plus bureaucratique que par le passé, et font souvent l’objet de demandes de justifications par les assurances. Cet accroissement des tâches administratives engage à la fois une perte de temps, mais engendre aussi une perte de sens.» L’intensification de la charge administrative, au-delà des médecins de famille, concerne plus largement tout le métier. Une évolution qui participe à l’abandon de la profession, surtout chez les jeunes. Ainsi, parmi les 30% de médecins qui quittent le métier, 35% ont moins de 35 ans et n’ont parfois même pas encore terminé leur formation postgrade.

Dans les séries télévisées à succès, comme ici «Grey’s Anatomy», les personnages font rarement face à une surcharge administrative, par exemple.

En revanche, le rôle prépondérant de l’hôpital dans ces fictions reflète la réalité de la formation des médecins qui accorde une place majeure aux expériences dans le cadre hospitalier au détriment de celles en cabinet de médecine de premier recours.  

Les différences de revenus

La pénurie participe aussi à rendre le métier plus rude. Dans le cas des médecins traitants, la réduction de leur nombre implique la prise en charge de plus de personnes et donc une surcharge de travail qui entrave l’attractivité de la profession. Face à ces enjeux, l’écart entre la valorisation salariale de la médecine générale et des autres spécialités joue un rôle majeur. «Il est urgent de trouver des modes de rémunération complémentaires pour financer certaines activités, explique le généraliste Philippe Schaller, cofondateur du Groupe médical d’Onex, à Genève. Dans le financement à l’acte que nous connaissons actuellement, la coordination, la prévention ou encore l’enseignement thérapeutique ne sont pas pris en compte. Ils constituent pourtant une part essentielle de l’activité des médecins de famille.»

Aussi, dans les échelles de tarification actuelles, un acte réalisé par un généraliste vaut moins que celui effectué par un dermatologue, par exemple. Résultat : la médecine interne est fortement sous-valorisée financièrement par rapport aux autres spécialités et perd encore en attractivité pour les jeunes médecins en formation.

3/ Comment renforcer la médecine de premier recours

«La société doit se demander quelle médecine elle souhaite, questionne Vanessa Kraege. Une médecine self-service, disponible sept jours sur sept et 24 heures sur 24 de laquelle on peut obtenir tout ce qu’on veut, ou une médecine de qualité, basée sur le bon sens et gardant une certaine humanité ?» Pour que le métier de généraliste regagne en attractivité, il est important d’agir sur la formation. En proposant notamment davantage de stages au sein des cabinets, pour donner un aperçu plus juste de la spécialité. Il faudrait aussi agir sur le contenu des cours. «Durant le cursus universitaire, trop de professeur-es très spécialisé-es interviennent, estime Stéfanie Monod. Aujourd’hui, la formation est encore trop axée sur des maladies que les futurs médecins verront finalement assez peu au cours de leur carrière.» Repenser la formation s’avère ainsi essentiel. Vanessa Kraege le confirme. «Il faut trouver des solutions pour former non-stop les médecins aux avancements continus de la science, alors que celle-ci se complexifie et que les médecins ont de moins en moins de temps. Les médecins ont besoin de s’approprier de nouveaux outils ; des connaissances en matière de cybersécurité pour protéger les dossiers de leur patientèle ou de bons usages de l’intelligence artificielle, par exemple. Ou encore, savoir utiliser toutes les fonctionnalités d’un nouveau logiciel ou être renseigné-es sur les questions d’éthique ou de durabilité.»

CHIFFRE

94.3%

Le pourcentage des problèmes de santé que peuvent résoudre les médecins de famille. Cela, en occasionnant seulement 7,9% des coûts, d’après l’étude Workforce 2020 sur la médecine de base.

Travailler ensemble, imaginer de nouvelles structures

Après la formation, il convient aussi de repenser la manière de collaborer. «Les médecins de premier recours travaillent de moins en moins seuls, précise Philippe Schaller. Ils cherchent à se regrouper et optent donc pour des organisations interprofessionnelles. Cela leur permet également de travailler à temps partiel et d’éviter les charges financières trop élevées.» C’est ce vers quoi tendent des lieux tels que la maison de santé Cité générations à Genève. L’établissement a été inauguré en 2012, sous l’impulsion de Philippe Schaller. C’est un lieu hybride, entre le cabinet médical et l’hôpital, qui permet de décharger les urgences ambulatoires. Cette maison de santé héberge également dix lits d’hospitalisation, une première en Suisse. «Pour la population, ces maisons de santé présentent aussi de nombreux avantages : un accueil médical élargi tous les jours, un dossier médical partagé entre les différent-es professionnel-les ainsi que des consultations spécialisées si nécessaire. Les patient-es présentant des maladies chroniques ont des suivis mieux coordonnés.» Ce modèle permet aussi de réduire la charge administrative qui pèse sur l’emploi du temps des médecins. Surtout, ces espaces facilitent l’interprofessionnalité, un élément clé pour lutter contre la pénurie de personnel qualifié dans les soins, en réunissant une équipe infirmière et de pharmacie qui peuvent s’occuper de certains gestes médicaux. «Les maisons de santé offrent une solution bien réelle pour faire face à l’augmentation du nombre de personnes qui souffrent de maladies chroniques de plus en plus complexes. Pour les médecins de famille qui désirent partir à la retraite, il est aussi particulièrement confortable de pouvoir facilement confier sa patientèle qui a déjà ses repères pour être soignée.»

Finalement, à une époque où la population est plongée dans un climat particulièrement anxiogène, où les guerres se doublent d’une dégradation de la situation économique et environnementale, un système de santé opérant est vital. Récemment, une équipe de recherche de l’université de Copenhague a évalué que 82,6% des femmes et 76,7% des hommes seront concernés par des troubles psychiques ces prochaines années. Les médecins de famille étant souvent les premiers interlocuteurs des individus manifestant un trouble psychique, leur rôle dans le soutien précoce de cette population s’avère essentiel. 

Orienter les futurs médecins vers les spécialistes dont la population a le plus besoin

Réorganiser la formation peut contribuer à lutter contre le manque de généralistes en Suisse. Explications.

Le projet Réformer entend s’attaquer à l’inadéquation entre le nombre de médecins formés et les besoins de la population. Il s’agit, par exemple, de limiter la disparité entre le nombre de médecins de famille et d’autres spécialités. «L’outil que nous déve­loppons n’intervient pas sur le contenu des formations, mais sur la manière dont les futurs médecins sont orientés et accompagnés lors du choix de leur formation postgraduée, c’est-à-dire une fois la formation universitaire achevée, spécifique à leur spécialité», explique Nicolas Pétremand, directeur de Réformer.

Pour proposer des réponses efficaces au niveau des ressources médicales et des cantons romands, la première chose est de clarifier les besoins. «Nous souhaitons prioritairement obtenir une meilleure image de la démographie médicale actuelle et des parcours de formation post­graduée. Nous manquons aussi de chiffres cohérents et documentés sur la répartition en différentes spécialités selon les besoins. Ils doivent être estimés en se basant sur la situation actuelle, les tendances démographiques et médicales de la population.» 

Concrètement, Réformer souhaite mettre en place un meilleur système d’accompagnement lors de la formation postgraduée. «À la manière d’un coaching, des médecins seniors, au clair avec les enjeux actuels de santé publique, accompagnent les futurs médecins dans l’élaboration d’un projet de carrière correspondant à leurs envies et qui les oriente vers les spécialités dont la population a le plus besoin.» Car, actuellement, ce sont souvent des chef-fes de spécialités dans le cadre hospitalier qui viennent chercher des étudiant-es ou les médecins assistants pour leurs services. Ce schéma peut entraîner une forme d’errance qui empêche de combler les spécialités qui ont besoin de forces et qui prolongent à outrance la période de formation. «Les médecins en formation postgraduée se retrouvent ainsi dans une boucle, enchaînant les postulations. Un fonctionnement dont profite le système en rémunérant mal ces profils, du fait qu’ils n’ont pas encore obtenu leurs titres de spécialistes.» 

En plus de renforcer le système de santé en alignant les spécialisations sur les besoins réels de la population, ce fonctionnement permet aussi de lutter contre le découragement des jeunes médecins, en donnant une meilleure image de la médecine de famille, mais aussi de la médecine interne générale. «En mettant à disposition une personne ressource (coach, mentor de carrière, coordinateur de la filière), les futurs spécialistes peuvent plus facilement imaginer de nouvelles pistes si l’orientation initialement convoitée ne leur convient finalement pas ou qu’ils se sentent en difficulté face à la pression que peut représenter l’engagement dans un service. Cela leur permet aussi d’obtenir l’appui neutre d’un pair qui n’est pas celui qui valide l’acquisition des compétences.» Une priorité est mise sur la qualité de l’accompagnement des médecins en formation postgraduée qui hésitent ou qui changent d’orientation ainsi que sur les informations à connaître afin de prendre une décision documentée. Cet outil permettra de produire des données et des indicateurs actuellement manquants pour piloter le système, idéalement au niveau de l’ensemble du pays. «Ces éléments sont utiles pour les médecins en formation, les établissements et les institutions en charge de la formation des médecins et enfin les cantons qui doivent garantir la couverture des besoins de leur population.»

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