
Détecter le stress grâce à la voix
Publié il y a 2 jours
09.10.2025
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Et si la voix pouvait révéler notre état de santé? C’est la question que s’est posée Lara Gervaise, qui a réalisé un master en robotique et data science à l’EPFL. «J’ai voulu rendre objectif quelque chose qui ne l’était pas forcément: le bien-être», raconte-t-elle. Entourée de psychiatres du CHUV, et de spécialistes des sciences comportementales, elle a répertorié les indicateurs du stress, de l’anxiété ou de la dépression, et comment les mesurer. Après avoir identifié la voix comme le prédicteur de bien-être le plus efficace, elle décide d’entraîner un modèle d’intelligence artificielle sur ces bases. Ainsi naît Virtuosis, une entreprise spécialisée dans l’analyse des biomarqueurs vocaux.
Un potentiel pour la détection précoce
Concrètement, il suffit d’un extrait vocal de 30 secondes. Le contenu n’a aucune importance, car le logiciel tient uniquement compte de la forme en analysant le débit, le rythme, l’intonation, ou encore les respirations ou les pauses. Ces éléments agissent comme des biomarqueurs informant sur l’état de santé mentale, cognitive, respiratoire ou cardiovasculaire de la personne. Ce système peut ainsi détecter des maladies, mais ne remplace pas un diagnostic médical. «C’est un support à la décision clinique, qui permet de compléter des outils comme les scanners ou les tests sanguins, précise Lara Gervaise, co-fondatrice de Virtuosis. Ensuite, c’est bien le médecin qui établit le diagnostic.»

Depuis septembre dernier, les HUG s’en servent dans le cadre des téléconsultations pour repérer la souffrance psychique. Au Canada, l’hôpital Montfort l’utilise pour suivre la progression de la maladie de Parkinson. La Corée du Sud s’y intéresse pour suivre le déclin cognitif et la maladie d’Alzheimer. Dans le canton de Vaud, il pourrait être employé pour la détection du mal-être et des troubles cognitifs chez les personnes âgées au bénéfice de prestations de maintien à domicile.
Prévention du burn-out en entreprise
L’outil développé par Lara Gervaise joue aussi un rôle décisif dans la prévention. «En entreprise, cette technologie peut aussi être utilisée pour prévenir l’épuisement au travail.» Un enjeu majeur, puisque 30% des personnes actives déclarent souffrir d’un niveau de stress critique, selon le Job Stress Index 2022. «Le logiciel peut être intégré à un service de visioconférence ou est accessible via une wep-app.» Cette technologie permet aux employé-es de recevoir un retour individualisé sur leur état de fatigue, de stress ou d’anxiété. L’analyse n’est possible que si l’individu enregistre lui-même un extrait vocal, et il est impossible pour l’employeur ou l’employeuse d’avoir accès aux données individuelles des employé-es. Deux limites fondamentales qui agissent comme des garde-fous contre le risque de surveillance.»
Pour Lara Gervaise, Virtuosis doit permettre aux entreprises de veiller au bien-être des employé-es, sans transiger sur la confidentialité. «Les RH ont ainsi uniquement accès à des données collectives et anonymes. Il leur est par exemple possible de connaître les résultats de stress pour leurs employés entre 30 et 45 ans qui travaillent sur un site donné, ou de sélectionner uniquement les femmes ou les hommes. Mais en-dessous de 30 personnes, les données ne s’affichent pas. Il est donc impossible de connaître l’état de santé d’un-e employé-e en particulier», assure-t-elle. Sur la base de ces données collectives, l’entreprise peut alors proposer des mesures de prévention telles que la possibilité de faire plus de pauses, des sessions de méditation ou la consultation de spécialistes internes ou externes. Des études sont menées actuellement afin de mesurer l’impact de cette détection précoce du burn-out en entreprise, et l’efficacité des mesures de prévention proposées par les employeurs.