Covid long: une bataille qui se mène sur plusieurs fronts

Amal Safi

Publié il y a 2 semaines

17.07.2025

Partager

Même après la fin de l'urgence sanitaire, le Covid long continue d'impacter le quotidien. En Suisse, des consultations y sont dédiées.

Une fatigue extraordinaire et handicapante, tel est le point commun que partagent les personnes atteintes de Covid long. Elle peut les empêcher de travailler pendant des mois, voire des années, et les laisser parfois sans ressources. Leur état se distingue difficilement de l’anxiété ou de troubles du sommeil et elles errent souvent sans diagnostique. Certain-es aggravent même leur situation en se poussant à l’effort, faute d’un accompagnement adapté. Dans les services du CHUV et d’Unisanté, plus de 1000 malades ont déjà été pris-es en charge pour ce «syndrome de fatigue post-viral» (encéphalomyélite myalgique, de son nom scientifique). L’approche multidisciplinaire pratiquée en Suisse romande a permis à des patient-es de faire d’importants progrès, et de toujours mieux comprendre les ressorts de leur maladie.

Des symptômes variables, un diagnostic complexe

La principale manifestation du Covid long est donc cette fatigue chronique généralisée, qui empêche la réalisation de tâches quotidiennes intellectuelles, cognitives et physique. Les malades voient leur durée de sommeil se raccourcir et présentent une intolérance à l’effort qui va dans certains cas les mener à des «crashs». Ces effondrements vont se traduire par un besoin irrépressible d’être alité, allant parfois jusqu’à l’évanouissement, survenant 24 à 48h après un effort anodin et habituel, comme une réunion de travail ou une montée d’escaliers. Toutefois, d’autres symptômes peuvent apparaître de manière irrégulière selon les personnes. Ils incluent notamment des céphalées, des troubles de la concentration, des troubles olfactifs, un état dépressif et anxieux, des essoufflements, des troubles digestifs, des palpitations, des vertiges ou des nausées. 

Bernard Favrat, responsable de la consultation Covid long au centre universitaire de médecine générale et santé publique Unisanté à Lausanne, souligne l’état d’alerte constant dans lequel se trouvent les malades. «Les patient-es atteint-es de Covid long souffrent d’un trouble de leur système nerveux parasympathique, à l’origine de la régulation du rythme cardiaque, de la relaxation des muscles et de la réduction du stress. Ce mécanisme est central pour permettre au corps de se régénérer. Chez eux, le système inverse, dit sympathique, est suractivé, ce qui augmente leur tension artérielle et induit cet hypervigilance permanente.»

Certaines catégories de la population sont plus atteintes de Covid long que d’autres. Les statistiques suisses montrent en effet que les malades sont à près de 60% des femmes âgées de 30 à 50 ans. Il s’agit aussi souvent de personnes très actives, avec des postes à responsabilité et qui ont l’habitude d’être multitâches. Les individus qui ont déjà fait un burn-out, qui souffrent d’allergies multiples, de diabète ou d’obésité, sont aussi davantage concernés.

Une prise en charge pluridisciplinaire

Pour répondre à ces formes multiples que peut prend la maladie, divers spécialistes sont mobilisés, des médecins et médecins rééducateurs aux psychiatres et psychologues, en passant par des ostéopathes, physiothérapeutes, ergothérapeutes, ou encore des acupuncteurs. Les patient-es sont généralement suivi-es en ambulatoire, soit sans hospitalisation, dans un des centres de réadaptation de Suisse romande.

Actif à Unisanté et au centre de médecine du sport du CHUV, Mathieu Saubade évoque une des techniques les plus enseignées aux patient-es appelée pacing, dont le but est d’adapter les activités en fonction des symptômes des malades. «On leur prescrit des activités physiques, sensomotrices (liées à l’équilibre) et stimulantes pour le cerveau, faisant appel à la mémoire et à la parole. Tout cela à une dose minimale en les fractionnant par une série de pauses dédiées à la stimulation du système nerveux parasympathique. Le pacing va limiter ainsi la surstimulation du système sympathique et les mettre dans un mode routinier.» Les techniques conseillées consistent, entre autres, en des exercices de respiration, des assouplissements dynamiques, de la médiation pleine-conscience. Des conseils spécifiques sur l’alimentation, le sommeil et la gestion du stress sont également donnés. Le médecin du sport cherche avant tout à transmettre ces outils afin de mener les malades vers l’autonomie. «Il faut que ce soit les patient-es qui gèrent leurs symptômes, et celles et ceux qui font cela régulièrement, durant quelques mois, peuvent voir leur état s’améliorer significativement.»

Pour agir sur les problèmes d’ordre cognitifs, une filière de soin Covid long existe depuis septembre 2022 au Centre Leenaards de la mémoire (CLM) du CHUV. La neuropsychologue et chercheuse Mélanie Bieler-Aeschlimann y a développé une série de six consultations. Elles viennent en aide à celles et ceux qui souffrent de troubles de l’attention et de la mémoire, handicapant leur vie professionnelle et familiale. «L’objectif de ces consultations de groupe est d’expliquer comment fonctionne la maladie, notamment ses impacts sur la mémoire, l’attention et le sommeil. Il s’agit aussi de transmettre des outils permettant aux patient-es de gérer les ressources qu’ils ont à disposition ainsi que leurs émotions, afin de réaliser leurs tâches quotidiennes et leur travail.»

«J’estime avoir retrouvé 80 % de mes aptitudes intellectuelles et physiques, et j’espère toujours pouvoir récupérer l’ensemble de mes capacités», explique Fanny. 

Inspectrice de police et participante à ces séances de groupe, Fanny raconte: «J’ai toujours été très dynamique et cela a été très difficile d’accepter de ne plus pouvoir faire le dixième de ce que je faisais avant. Plusieurs médecins du CHUV m’ont confirmé que j’étais atteinte de Covid long. Toutefois, ils m’ont aussi dit qu’après 20 ans de carrière au contact d’événements traumatiques, j’avais une manière de fonctionner sur le plan cognitif et émotionnel qui devait changer. J’ai mis en pratique les outils de la psychologue Mélanie Bieler-Aeschlimann, et je gère mes activités à travers le pacing. J’ai ainsi pu reprendre progressivement mon activité professionnelle et je travaille maintenant à nouveau à 100%. J’estime avoir retrouvé 80% de mes aptitudes intellectuelles et physiques et j’espère toujours pouvoir récupérer mes pleines capacités.» À noter que, bien qu’importante pour de nombreux et nombreuses malades, la prise en charge neuropsychologique du Covid long n’est pas systématiquement remboursée par l’assurance maladie.

Le Covid-long, reconnu comme maladie

Avant le Covid-19, le syndrome de fatigue post-viral était déjà connu du corps médical et s’était manifesté dans le cadre d’autres virus. Toutefois, au vu du nombre de cas qui se sont déclarés durant cette pandémie, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a décidé de reconnaitre le Covid long comme une pathologie en tant que telle et l’a nommée «affection post-Covid» dans sa Classification internationale des maladies (appelée le CIM-11) en 2021. Selon la définition actuelle de l’OMS, le syndrome concerne un-e patient-e dont les symptômes du covid ont perduré au-delà de douze semaines après avoir contracté le virus. 

Une autre lutte à mener: l’assurance-invalidité

En plus de l’errance médicale, de la fatigue chronique et du coût de certains traitements qui ne sont que partiellement remboursés, les patient-es doivent mener un autre combat. L’assurance-invalidité (AI) ne parvient en effet pas toujours à comprendre leur situation. Une journaliste, souffrant du Covid long depuis deux ans et qui a également participé aux consultations au CLM le déplore. «L’AI ne nous pose pas les bonnes questions, et peine à évaluer l’intensité et la complexité de nos symptômes, malgré le fait qu’ils soient documentés et reconnus par l’OMS. Nous ne faisons pas exprès d’être malade. J’ai toujours été hyperactive, à enchaîner les mandats, j’ai écrit des livres sur la santé et je suis cofondatrice d’un magazine, mais aujourd’hui, je dois m’arrêter toutes les 30 minutes sinon je m’effondre, et la pression mise par l’AI rajoute au stress de ma situation, car j’ignore si je pourrais un jour travailler comme avant.» 

En 2023, ce sont 2900 personnes qui se sont annoncées à l’AI à la suite d’une atteinte liée au Covid long. Cela correspond à environ 2% des demandes totales, d’après l’Office fédéral des assurances sociales.

Pour aller plus loin

Association Long Covid Suisse
https://long-covid-info-ch/fr/

Site ALTEA, le réseau Long Covid
www.altea-network.com/fr/

Conférence sur le Covid long (CHUV), mars 2024
https://kdrive.infomaniak.com/app/share/888851/be963ed4-fc79-4ad7-bdde-8c1f8a964a81/preview/video/200

Plateforme RAFAEL des HUG
post-covid.hug.ch

Recherche